Ma première fois...
C’est avec une émotion encore intacte que je m’en souviens… C’était dans une salle de classe de l’Asfored, avec Joseph. Je parle bien évidemment de mon premier cours de maquette !
Alors il faut dire que de base je suis plutôt hermétique à ce genre de matière. Moi j’aime bien les trucs carrés, bien droits et qu’on peut facilement quantifier, voire même dans le meilleur des cas systémiser. Et là j’arrive et voilà qu’on commence à me parler de « ressenti », d’« émotion » et même d’« art ». À ce moment-là je me suis un peu demandé ce que je faisais ici, mais Joseph étant quelqu’un d’éminemment sympathique je me consolai tant bien que mal avec l’idée qu’au moins ces quelques heures ne seraient pas trop désagréables.
Premier exercice : après avoir dessiné trois traits au tableau (qui par un hasard aussi étonnant que fortuit étaient disposés de manière à ressembler étrangement à la lettre « A »), notre espiègle formateur nous demande « Que voyez-vous ? » Réponse évidente s’il en est : « Un A ! »
Et bien non. Enfin si. Mais pas que.
S’en suivit un débat passionné sur ce qu’on pouvait voir d’autre qu’un A. Tout y est passé : un tableau, de l’encre, une pipe, une reproduction de la basilique Saint-Pierre très stylisée… Rien à faire, nous nous trouvions manifestement devant un mystère insoluble, et nous trépignions littéralement dans l’attente de la solution. Qui ne tarda heureusement pas trop, sans quoi nos vingt cerveaux auraient sans doute implosé de concert, ce qui fait toujours désordre.
Ce qu’on voyait en fait, c’était bien un A (où d’une manière plus générale trois traits interprétés comme un A), mais également deux formes blanches (le tableau) délimitées par ces trois traits. Ah d’accord. Nous venions de faire la connaissance avec le principe de la forme et de la contre-forme.
Bon je dois bien admettre que je n’ai pas été hyper impressionné pour le coup, j’étais même un peu déçu… Mais il me manquait juste un exemple pour me démontrer la puissance d’un tel concept.
Carrefour. Je m’étais toujours demandé ce que représentait ce logo (bien laid, mais ça n’engage que moi). Et bien c’est une contre-forme ! Mais si regardez bien : en fait c’est un « C ». Comme… Carrefour, mais oui, c’est complètement fou ! Devant moi s’ouvrait comme par magie tout un monde jusqu’alors insoupçonné, je me sentais tel Christophe Colomb découvrant l’Amérique, tel Archimède découvrant la poussée, tel une poule découvrant un couteau. J’étais un homme nouveau.
Bon j’en rajoute peut-être un peu, et je dois bien admettre que tout ça ne m’a pas beaucoup servi, mais en tout cas maintenant, j’aime bien la maquette. Et le coup du logo Carrefour c’est super dans les soirées mondaines, c’est un succès garanti (même après toutes ces années). Essayez et vous verrez.